À quoi ressemble un livre sur des lolitas, en 2014 ? Je ne sais pas si on pourra le faire ressembler à toutes les lolitas. Il y a quelques années, j'espérais sincèrement que la « dérive » OTT se scinde définitivement du lolita, puisque dans l'esprit elle ressemblait à tout un tas de modes issues d'Harajuku mais n'avait plus grand chose à voir avec le courant que j'ai découvert il y a une dizaine d'années. Personne ne conteste que le Lolita est un dérivé du punk, mais qui de nos jours oserait dire que l'OTT n'est pas du Lolita ? Je suis persuadée que la communauté, l'importance de se sentir parmi ses « paires » a pris tellement d'importance dans l'engouement pour cette mode qu'elle a pris le pas sur la mode elle-même. Peut-être finalement que le OTT ne va pas assez loin, car beaucoup le retiennent au sein de l'étiquette lolita. Le comble, c'est que cette facilité à passer d'une mode à l'autre avec pour dénominateur commun le quartier où l'on se procure ses atours rend plus lourd à porter ce concept même d'étiquette. Je pense que c'est le paradoxe du Lolita moderne. Et dire qu'il y a quelques années, on se prenait la tête sur l'Étiquette Lolita, qui n'était je le rappelle, que des guidelines
Je pense qu'avec François, Nella ou moi ce ne sera pas une mince affaire que de refléter cette diversité actuelle. Pourtant, il y a une illustration dans Gothic Lolita où l'effort est réellement fait pour représenter le plus de facettes possible du Lolita. Alors qu'est-ce qui a changé depuis 2009 ? Les imprimés tableaux et les coupes microbabydoll sont-elles si insurmontables ? Eh bien… pour poser les choses simplement, ce n'est pas à ça qu'on a été élevé, donc ça sera difficile de prétendre le contraire ! Je pense qu'on va être limités par nos propres goûts. Néanmoins il est certain que l'on devra se poser la question d'au moins *essayer* de faire une place à cette frange d'habits que nous comprenons, et donc maîtrisons moins. D'un autre côté, représenter le Lolita non-dilué n'est en aucun cas par effet de contraste, un frein à la créativité. J'ai donc hâte de me mettre à ce projet car je l'attends au tournant pour me redonner goût au Lolita, en choisissant moi-même ce avec quoi je veux l'enrichir. Cela peut paraître surprenant comme aveu j'en conviens. Le Lolita, le concept lui-même, ne m'a jamais déçue, mais d'un point de vue matériel, je n'y trouve plus mon compte depuis longtemps, au point que je ne regarde plus les dernières sorties depuis plusieurs années, sauf si elles me sautent à la figure via Tumblr. Je leur trouve souvent un peu moins d'élégance que leurs aînées, un peu moins de lisibilité aussi. Point non-négligeable quand on doit transposer ce genre d'étoffe en illustration. Je suppose qu'un peu de retenue est un peu inévitable au vu de mon histoire personnelle
Ceci est un article anormalement spontané mais je suis retombée par hasard sur des propos que j'ai tenus il y a quelques années qui étaient plutôt radicaux, surtout dans la forme. L'amertume évoquée plus haut n'y était bien sûre pas étrangère. J'étais dans l'attente d'un changement, et il est arrivé mais pas du tout là où je l'attendais. Pour le meilleur et pour le pire, le Lolita s'est profondément enraciné dans un instantané où il ne ressemble plus vraiment à ses prétentions d'origine. Les lolitas sont pratiquement indélogeables : on ne quitte plus si facilement le Lolita, peut-être aussi parce qu'on était arrivés à un point où le sweet était LE style Lolita par excellence, alors même qu'il n'est pas évident à porter à tous les stades de sa vie, et que depuis, ce n'est plus le cas, ce qui peut s'avérer libérateur. On ne porte plus simplement le Lolita non plus : on le réinvente. Les modes connexes comportent beaucoup de lolitas clandestines qui ne dupent personne Tenez, prenez SFE par exemple, qui cristallise assez bien cette ambiguïté que je viens de décrire : prétendant s'adresser à tous les styles harajuku, mais bel et bien constitué autour d'un noyau dur de… lolitas. En voyant passer à l'occasion les photos des Halloween Fashion Walk, cela m'a évoqué la vieille problématique du Lolita frisant le costume, qui trouve alors sa résolution en devenant en parallèle à son quotidien, une performance. Rien d'étonnant quand de tous côtés, les « évènements » se multiplient — de la mise en scène de lolitas par d'autres lolitas. Je vois le Lolita actuel comme un mouvement qui se cherche et qui se fuit, et qui tourne de plus en plus autour du social plutôt que du « coton » et du « dreamland » personnel que chacune se tissait avec.
Et vous (si j'ai des lecteurs XD) ? Comment avez-vous évolué dans le Lolita ? Pensez-vous avoir trouvé une place à chérir dans votre communauté ?
Translation : Because of my upcoming book, I've been asking myself questions as to how to catter to the current lolita community. I've noticed it has outgrown what it meant to be a lolita which is now defined by social interactions people have made over time even when they were changing. It makes it more tricky to work on a lolita book in 2014, even if I want to try anyway. To me it looks like the community really wants to get rid of its old image of shy rebels while still sticking together as a concept, Lolita fashion. The same way it had issues with looking like a costume but now fully embraces the confidence and theatrical aspect of totally dressing up and taking part in "events", almost like a stage. What about you? “Which ‘R’ori are you filled with? Relief… or regret?”
6 réactions
1 De Hana-Rebecca ~ 18/11/2014, 17:33
(Pas d'images ? Mais enfin ?)
Je me retrouve beaucoup dans ce que tu écris, tu t'en doutes peut-être, surtout dans l'une de tes dernières phrases : « Je vois le Lolita actuel comme un mouvement qui se cherche et qui se fuit, et qui tourne de plus en plus autour du social plutôt que du "coton" et du "dreamland" personnel que chacune se tissait avec. »
Je suis tombée dans le loli pour créer un monde, et je me retrouve sur Facebook. Je caricature, mais l'idée y est. Cela ne veut pas dire que je n'apprécie pas les personnes que j'y croise, mais on est loin de mon idéal de départ.
Je ne sais pas si je chéris ma place dans la communauté, je chéris les gens avec lesquels j'ai des affinités plus qu'autre chose, lolitas ou non. Et mon lolita se développe de plus en plus hors de sa silhouette de base.
Et je ne me sens pas Harajuku-girl pour deux sous...
Mais la création est positive ! Ce bouquin, maintenant, est excellent. Il divisera peut-être, rassemblera sans doute. Je réalise qu'en ce contexte de sociabilité, j'ai de plus en plus besoin de créer aussi, à ma petite échelle. Je suis persuadée que l'art est la seule porte de sortie du lolita. Car ma lolita est avant tout esthète.
2 De messalyn ~ 19/11/2014, 01:24
@Hana-Rebecca : Shhh shhh, n'en dis pas plus, je fais semblant que tu n'es pas sur Facebook. Dans le même monde où tu t'es présentée aux élections… (note le piédestal où je te place dans la communauté XD C'est pas juste pour les autres)
L'art est la rédemption de la lolita consumériste (et qui le sait et que cela tiraille), qui va de la confection de ses propres vêtements à à peu près tout. C'est là que j'éprouve un dilemme envers ce style qu'on appelle parfois art-lolita. J'ai fini par voir une faille dans la démarche, qui me semblait bonne au début, d'arborer des tableaux de maître en bonne esthète, car la créativité des marques en prend un coup, encore une fois au service du profit. Mais d'un point de vue de lolita, cela a beaucoup de sens, c'est même rassurant, indépendament de mes goûts personnels. Si l'évolution pokémon de la lolita perdait même sa culture et ses influences historiques, que lui resterait-il ? Cela vaut aussi pour cette tendance à vouloir rejouer la Vierge Marie et ses millions de représentations extatiques.
J'ai vu que tu artais et craftais pas mal ces derniers mois, je regarde ça avec intérêt. As-tu lu mon email au fait ?
3 De Hana-Rebecca ~ 19/11/2014, 11:42
@messalyn : Je n'ai reçu aucun mail... Tu l'as envoyé à l'adresse que j'indique en postant mes commentaires ?
4 De Hana-Rebecca ~ 19/11/2014, 13:38
Update : trouvé dans les spam (quelle idée !)
5 De Nokturnal ~ 13/12/2014, 09:10
C'est intéressant de voir comment tu vis les changements!
Je rejoins tes observations, et celles d'Hanako!
Personnellement, le lolita m'a beaucoup déçue, comme je l'écrivais par le passé. Je ne sais pas si c'est le lolita vraiment, où l'idée que je m'en étais faite, les choses que je projetais dessus. C'est une conversation que j'ai déjà eu avec Rebecca: j'étais hypnotisée par ce style qui avait une esthétique hyper chargée, ces poupée tristes, mystérieusement parfaites, sorties d'une autre époque... Il ne pouvait y avoir que plein de choses à découvrir derrière! Or... ce n'est pas vraiment ce que j'y ai trouvé.
Je viens de la scène gothique à l'origine, un courant qui lui aussi est pas mal soumis aux modes, et aux évolutions, mais c'est un héritage que je ne renierais jamais, car pour moi le gothique est une vraie sub-culture. Il y a plein de sous-styles musicaux qui lui sont affiliés, qui ont révolutionné la musique, des photographes, des peintres, des artistes quoi... et il y a toujours de nouveaux en son sein qui émergent, avec leur référentiel tant esthétique que moral (presque). C'est très stimulant.
Dans le lolita, j'ai trouvé l'esthétique hyper creuse: les nanas que j'ai rencontrées (sauf celles avec qui je garde encore contact aujourd'hui, comme toi, Hanako, Yrch, Cybie, Rose Noisette...) n'ont pas tellement de profondeur. Elles sont effectivement focalisées sur leur tronche, la gueule de leurs faux cils, leur nombre d'abonnés Facebook, et si elles vont pouvoir marcher sur un catwalk à la prochaine convention Kikoolol de Kawaï-city, devant un parterre de gens qui n'en ont rien à foutre.
J'ai en mémoire des scènes qui m'ont dégoutée lors des meetings... bref. Je ne supporte pas qu'on ose porter des choses dénuées de sens. Si je porte une croix, je sais pourquoi je le fais. Un pentagramme aussi. Le fait que cette esthétique victorienne devienne un succédané de pop sucrée... je ne le supporterais pas. Donc, je suis "partie", puisque bien sûr, les faits me donnent tort: ça n'évolue même que comme ça!
Enfin, "partir" ou "rentrer", c'est un peu bête: je suis ce que je suis, j'ai juste arrêté de m'investir sur des communautés où on trouve que 99% de cruches. Porter les mêmes vêtements n'est pas un dénominateur suffisant pour s'entendre. Mais j'ai gardé mes jolis vêtements: et moi, je leur donne plein de sens donc ça va, je le vis bien!
D'ailleurs, l'autre jour, j'étais en Moitié pour aller aider des potes dans un salon Japon: il y a un copain qui me montre des loli-cruches qui prenaient le tramway en même temps que nous, genre "Hey, Sophie, regarde, c'est quoi leur style?!"... réponse: "ben le même que celui que je porte aujourd'hui: gothic lolita"... Incompréhension en face! "Ah, non, non, c'est pas pareil" ! Ben si, sur le papier, ça l'est. Mais je suis rassurée qu'on ne m'affilie pas à ce sous-style!
Moi aussi je relis des fois ce que j'écrivais sur le lolita au moment j'étais en plein amour pour ce mouvement. C'est triste, parce que on voit que j'essaye déjà de justifier les failles du mouvement pour le faire entrer dans ma logique (le coté superficiel, la sociabilité étrange du clan...): mais j'essayais d'y trouver une raison, et dans mes lignes il y a beaucoup d'espoir, de rêve, et de tentatives pour donner du sens au mouvement.
Je ne trouve pas idiot ce que j'écrivais à l'époque, même si je sais que je me suis trompée: ce que j'écrivais, c'est comment moi je le voyais, pas comment le gothic lolita était.
6 De messalyn ~ 08/02/2015, 14:14
@Nokturnal : Ta dernière phrase est très juste et c'est une réalisation qui a eu lieu chez bien des lolitas avec de la bouteille. Et puis on l'a bien cherché avec ce look insondable : pas de fondations assez solides derrière. Cependant je crois sincèrement que le Lolita a été dénaturé depuis une vision commune. Cela ne me paraît pas crédible qu'en réaction à une société morne, grise, et à la culture récupérée et formattée par des marchands profiteurs, des jeunes filles ait pu se lancer dans un univers avec les mêmes problèmes de fond et juste l'emballage qui change. Se donner du mal pour coudre ses vêtements, ou chiner en dehors des circuits habituels, alors que ce n'est même pas à la mode, demande ou une réelle ambition, ou une réelle conviction. Le côté sensible, limite antisocial des premiers pas lolitas me confirment que c'est la seconde option.
En ce sens toutes les tentatives pour donner du sens au mouvement restent parfaitement logiques et en aucun cas pathétiques ! Mais la sous-culture pop bouffe tout c'est incroyable. Je me souviens avoir beaucoup aimé visiter le musée du manga à Kyoto, qui était plein de vieilleries, alors que je ne supporte pas du tout l'industrie actuelle.
Mieux vaut répondre tard que jamais ! Et je garde l'expression loli-cruche sous le coude XD